L’arbitre de Serie A : « Des décisions politiques, il y a un risque que les championnats soient faussés »
Un arbitre – toujours en activité – a, sous anonymat, évoqué dans l’émission « Le Lene », les doutes liés à certains épisodes qui ont fait parlé cette saison. En ligne de mire, les matchs de l’Inter, de Milan et de la Juventus.
Diffusée le 22 janvier 2024 sur Italia 1, « Le Lene » a interviewé un arbitre de Serie A actuellement en activité, qui a souhaté s’exprimer pour dénoncer certaines anomalies dans le système d’arbitrage de la Serie A. L’arbitre a décidé de parler de manière anonyme « Je suis toujours actif et il y aurait certainement des répercussions négatives à mon égard de la part des dirigeants de l’Association italienne des arbitres, ce qui nuirait gravement à ma carrière »
Les nombreuses erreurs cette saison
« Cette année, il y a eu de nombreuses erreurs des arbitres sur le terrain et à la VAR qui sont vraiment inexplicables, surtout pour nous qui sommes experts. Si vous avez des images claires sous les yeux et que vous avez la possibilité de revoir l’épisode avec de nombreuses caméras à votre disposition, comment ne pas remarquer l’erreur commise par l’arbitre sur le terrain ? Par exemple, c’est le cas du penalty refusé à Bologne dans Juventus-Bologne, ou du handball de Pulisic avant son but à Genova-Milan, ou encore de la récente faute de Bastoni sur Duda à Inter-Vérone. Dans tous ces cas, et de manière inexplicable, non seulement l’arbitre sur le terrain s’est trompé, mais aussi le VAR qui, malgré des images claires, a décidé de persévérer dans l’erreur commise ».
Les luttes internes au sein de l’AIA et le risque de fausser le championnat.
Toujours selon l’arbitre, il existe une lutte interne entre deux factions d’arbitres qui participeront aux prochaines élections dans quelques mois et qui affecte d’une certaine manière leur travail sur le terrain et au VAR : « Cette situation est devenue intenable et cela affecte la carrière de beaucoup d’entre nous. Le fait qu’un arbitre continue ou non d’arbitrer dépend de la manière dont il est évalué ».
« Nous sommes nombreux à avoir le fort sentiment que les votes, les audiences, et les éventuelles relégations ou exclusions en fin de saison ne dépendent pas toujours exclusivement de nos performances lors des matchs. Chaque fois qu’un arbitre est appelé à la VAR, il peut être pénalisé dans la note qu’il reçoit des observateurs à la fin du match, et si ceux qui évaluent les arbitres font une erreur dans l’évaluation, nous ne sommes alors pas certains que les meilleurs fassent carrières et que les moins bons soient relégués. ».
« Je tiens à souligner ce qui, pour moi et pour les autres arbitres, constitue de graves anomalies dans le système d’arbitrage en Italie et qui, à notre avis, affectent le bon déroulement des championnats de football de Serie A et Serie B :
- Penalty non attribué à Milan dans Milan-Rome , dans lequel le VAR n’est pas intervenu.
- Penalty accordé à l’Inter dans Inter-Lazio , où le VAR est cette fois intervenue.
Mais ce n’est pas tout : parfois, le choix des images pour justifier une décision ne convainc même pas nous, les professionnels. On a alors le sentiment que certains arbitres sont protégés et sauvegardés, tant dans la note de leur match que dans l’explication donnée par la Can – Commission Nationale des Arbitres – de certains épisodes controversés. Pourquoi quelque chose comme ça arrive-t-il ? Pourquoi certains sont-ils appelés et d’autres non ? Est-ce que quelque chose change dans les notes qu’ils obtiennent et dans leur classement de fin d’année ? Ne parlons pas de complot et les équipes n’y sont pour rien, parlons de la question de l’arbitrage. Il y a des arbitres qui sont plus protégés et moins appelés au VAR ».
Une action en justice de certains arbitres ?
Selon l’arbitre, « actuellement, il y a au moins cinq arbitres et assistants de Serie A et B, qui intentent une action en justice pour dénoncer l’AIA – Association Italienne des Arbitres – pour ce que nous considérons comme de graves irrégularités. Par exemple, il y a ceux qui font des erreurs et continuent d’arbitrer le tour suivant comme si de rien n’était. Il y a ceux qui sont suspendus, ce qui est la seule véritable punition qui touche l’arbitre d’un point de vue économique, mais aussi d’un point de vue professionnel. Dans certains cas, selon le règlement, il est nécessaire d’intervenir et ceux qui sont au VAR n’interviennent pas, cela affecte cependant à la fois le résultat d’un match sur le terrain et évidemment à long terme, cela affecte aussi le déroulement du championnats ».
Exemple : Valeri, Salernitana / Bologna
« Valeri, l’arbitre au VAR de Salernitana-Bologne a commis plusieurs erreurs graves à mon avis, mais il suffit d’en citer une avant tout. A la 41ème minute, il y a une intervention très dangereuse du joueur de la Salernitana, Dia, qui donne violemment un coup de pied au joueur de Bologne Salmerkers. Il s’agit d’une faute qui mérite une expulsion évidente, sur laquelle l’arbitre sur le terrain en a décidé différemment. Ici, le VAR aurait dû appeler l’arbitre pour revoir l’épisode et l’arbitre aurait dû expulser Dia. Dans ce cas, comme dans d’autres cas du même match, toutes les fautes graves et dangereuses méritaient l’expulsion, le VAR aurait dû appeler l’arbitre au moniteur du terrain pour lui faire prendre la bonne décision ».
Les épisodes du Juventus-Verona dans le viseur
Il y a aussi d’autres exemples : « Juventus-Verona : sur les images on voit qu’il y a une nette gifle de Gatti, défenseur de la Juventus, vers Djuric, attaquant de Vérone. Dans ce cas, il y a un comportement violent qui conduit à l’expulsion du défenseur. Ici, le VAR n’est pas intervenu, selon le protocole, il aurait dû intervenir et demander à l’arbitre de revoir l’épisode et de clairement sanctionner le joueur de la Juventus ».
« Ici aussi, on ne sait pas sur quoi reposait le critère sur lequel le VAR n’est pas intervenu, car les images sont claires. Je ne peux pas me l’expliquer. Toujours dans le même match, une autre situation se produit à la 51ème minute, où la Juventus se voit refuser un but. Le VAR décide d’intervenir car l’intervention faite par Kean, l’attaquant de la Juventus, envers Faraoni, le défenseur de Vérone, est considérée comme incorrecte. Dans ce cas, l’arbitre fait son évaluation sur le terrain, ainsi que le quatrième arbitre, et décident d’un contact de jeu normal et que le but est validé. Quel est le critère pour lequel le VAR intervient dans ce dossier ? Et dans le cas précédent, dans lequel il y a un réel comportement violent de la part de Gatti envers le défenseur de Vérone, le VAR n’est-il pas intervenu ? ».
Troisième épisode : « Toujours dans Juventus-Vérone : il y a une main avec le bras large et ouvert du défenseur de la Juventus que l’arbitre sur le terrain considère comme non punissable. Dans ce cas il y a bien un contrôle VAR, mais il n’intervient pas. D’après les images, il est clair qu’il y a une touche claire avec le bras grand ouvert du défenseur ; par conséquent, il augmente le volume de son corps et crée un obstacle au passage du ballon. C’est l’image, d’où le mouvement du bras large et peu naturel vers le ballon. Dans ce cas le VAR décide de ne pas intervenir ».
Selon l’arbitre » les règles sont certaines, mais l’intervention du VAR ne suit pas une logique définie. Torino-Frosinone – Coupe d’Italie – Il existe une situation dans laquelle un penalty est initialement accordé en faveur du Torino, mais ensuite, suite à l’intervention du VAR, ce penalty est annulé. Ici aussi les images parlent d’elles-mêmes. Existe-t-il un élément objectif pour révoquer la décision prise sur le terrain du penalty ? Non, car il y a un élément objectif qui dit exactement le contraire, c’est-à-dire un coup de pied du défenseur qui n’attrape que l’attaquant, n’attrape que le cou-de-pied, le cou-de-pied de la jambe de l’attaquant, n’attrape jamais le ballon, le ballon est clairement déplacé par l’attaquant qui tombe ensuite au sol suite au coup reçu par le défenseur. Dans ce cas, le VAR n’aurait jamais dû procéder à l’intervention et aurait clairement dû s’abstenir, mais il a obligé l’arbitre à se rendre au moniteur, à revoir les images et l’a incité à revenir sur la décision prise correctement sur le terrain ».
Juventus – Roma et le but de Rabiot
Enfin, l’arbitre évoque également le cas de Juventus-Roma et le but de Rabiot à la limite du hors-jeu : « Un cas récent qui concerne les critères de choix des images au VAR est celui de Juve-Roma. Dans ce cas, pour comprendre si le joueur de la Juve qui marque le but est hors-jeu ou non, le VAR a choisi le cadre du premier instant où le pied de Vlaovic touche le ballon. C’est à ce moment que la ligne est tracée pour comprendre si le joueur de la Juventus est en poste régulier ou non. Or, dès le premier contact avec le ballon, si l’on fait attention, la jambe de Vlaovic fait un mouvement, ce n’est que dans cette position finale que le ballon se détache de son pied. Et, remarquez, dans cet espace de temps entre le premier contact et le moment où l’on voit le ballon quitter le pied, tout le scénario de détermination géographique du hors-jeu change. Alors on se demande : pourquoi a-t-on choisi l’image que le VAR a montré à la télévision, plutôt que la première image qui semble logiquement être la bonne ? Beaucoup d’entre nous se demandent encore quel était le cadre correct à utiliser pour déterminer le hors-jeu et personne de la commission des arbitres ne nous l’a encore expliqué . »
Le hasard fait que tous ceux qui se sentent pénalisés ne sont pas considérés comme proches du mouvement qui soutient la prochaine candidature probable d’un certain groupe dans le monde de l’arbitrage et qui occupe désormais les premiers rôles. Le problème est que s’il y a des arbitres qui ne commettent pas d’erreurs et sont sanctionnés et des arbitres qui font des erreurs et sont protégés et sauvés, cela ne fonctionne clairement pas.
L’arbitre anonyme