Les conséquences financières du COVID-19 pour l’AS Roma
Lors de cette crise du COVID-19, la Roma s’est jusqu’à maintenant illustrée avec de belles actions caritatives, dont notamment la donation de masques, gants et gel hydroalcoolique à des hôpitaux, ainsi que les distributions de kit de première nécessité à ses abonnés les plus âgés et aux enfants.
Cette crise sanitaire risque toutefois de laisser des traces durables sur les finances de la Roma qui étaient déjà dans une situation précaire.
La suspension du championnat
En effet, la suspension du championnat et des compétitions européennes prive la Roma des revenus liés à l’activité sportive tels que la billetteie, les primes de matchs, les droits TV, sponsors, etc. Par ailleurs, les revenus découlant des produits dérivés (maillots, écharpes, autres habits, etc.) ont également dû baisser en cette période financièrement difficile pour tous les ménages. Enfin, dans les circonstances actuelles, il est probable que la valeur marchande des joueurs de football diminue, ce qui réduira les plus-values qui pourront être enregistrées lors de la vente de joueurs.
Le premier problème auquel sont confrontées toutes les sociétés est le manque de liquidités car, d’une part, il y a moins de revenus et, d’autre part, il faut continuer à payer les coûts, comme les salaires des joueurs et autres employés, les loyers des installations sportives, les assurances, etc.
Accords financiers internes.
La Roma a ainsi pris des premières mesures pour faire face à ce changement et atténuer les conséquences financières du COVID-19. En particulier, la Roma a rejoint un accord financier avec les joueurs de la première équipe, l’entraineur et son staff, en lien avec la fin de la saison 2019-2020, par lequel ceux-ci renoncent à percevoir leur salaire pour les mois de mars, avril, mai et juin 2020. Ce geste représente une économie totale d’environ EUR 30 millions. En compensation, la Roma et ces personnes ont défini un plan de bonus individuels pour les saisons suivantes, ainsi que pour la saison en cours, si la saison se termine. Le détail des bonus octroyés n’a pas été divulgué, mais il est probable que ces EUR 30 millions soient maintenant versés sous forme de bonus liés aux résultats sportifs.
La Roma communique également qu’un accord similaire a été conclu avec le management du club qui renoncera à percevoir une partie de leur salaire (on peut d’ailleurs se demander pourquoi il ne s’agit que d’une partie et pas du salaire complet).
les mesures complémentaires
Malgré cela, d’autres mesures devront être prises par la Roma pour garantir une gestion financière adéquate et permettre de faire face à ses engagements pour les 12 prochains mois. Dans ses états financiers semestriels au 31 décembre 2019, publiés le 30 avril dernier, la Roma indique qu’elle prévoit de couvrir ses besoins par trois mesures additionnelles.
- premièrement, au moyen des éventuels revenus qu’elle pourrait recevoir dans le cadre de sa participation à l’Europa League cette saison et sa participation à une autre compétition européenne la saison prochaine. De toute évidence, cette source de revenus ne suffira pas à elle seule à subvenir aux besoins de la Roma quand on sait que les revenus liés à une participation à l’Europa League sont bien inférieurs à ceux de la Champions League (qui n’étaient déjà pas suffisants pour couvrir les besoins de la Roma). On rappellera que la Roma est actuellement classée 5ème et il est donc peu vraisemblable en l’état que la Roma soit qualifiée pour la prochaine Champions League ;
- deuxièmement, par l’éventuelle cession de joueurs, qui ferait apparaître une valeur supplémentaire, compte tenu du fait que leur valeur marchande est généralement supérieure à leur valeur comptable. Nous reviendrons sur ce point ci-dessous ;
- troisièmement, l’apport de ressources financières par l’actionnaire. A cet égard, la Roma indique dans ses états financiers semestriels, que les négociations avec un investisseur potentiel (N.B. le groupe Friedkin) ont été ralenties à cause du COVID-19, mais qu’au cas où elles se concrétiseraient, les besoins financiers seraient couverts suite à la reprise du club par le nouvel investisseur.
L’arrivée de Friedkin
Elle serait la bienvenue pour tout le monde, en particulier pour les tifosi, mais elle ne résoudra malheureusement pas les problèmes financier de la Roma. En effet, même si Friedkin injecte des fonds, la Roma risque très vraisemblablement de ne pas atteindre l’équilibre financier requis par l’UEFA pour participer aux compétitions européennes (la fameuse « Break-Even Rule » du Fair-Play Financier). Il convient de rappeler que les versements de fonds des actionnaires ne sont pas comptabilisés pour le Fair-Play Financier qui, pour résumer, fait la balance entre les revenus et les coûts opérationnels. On ne sait pas encore comment va évoluer cette règle du « Break-Even » avec la crise du COVID-19. Selon certaines rumeurs, l’UEFA pourrait suspendre ou alléger cette règle pendant plusieurs saisons, mais rien n’est confirmé.
Quoiqu’il en soit, la Roma va, selon toute vraisemblance, se retrouver contrainte de recourir à la 2ème solution, soit vendre des joueurs pour faire des plus-values.
Calcul de la plus-value
Avant de voir quels joueurs pourraient être sacrifiés, il est utile de rappeler comment se calcule une plus-value. En effet, on pourrait penser qu’il faut simplement calculer la différence entre le prix d’achat et le prix de vente. C’est toutefois plus complexe que cela car les joueurs sont comptabilisés au bilan comme des actifs et, comme n’importe quel actif (par exemple une machine), ils font l’objet d’amortissements sur « leur durée de vie » soit, pour des joueurs de football, sur la durée de leur contrat. Comptablement la valeur d’un joueur est amortie, c’est à dire qu’elle est diminuée, pour qu’à la fin de son contrat sa valeur soit de zéro (puisque celui-ci pourra quitter le club gratuitement).
A titre d’exemple, la valeur comptable d’un joueur acheté 20M€ avec un contrat de 4 ans sera amortie de 5M€ chaque année. Dès lors, la plus-value réalisée lors d’un transfert sera la différence entre la valeur comptable résiduelle et le prix de vente. Ainsi, plus un joueur reste longtemps au club (ou même mieux, s’il est formé au club), plus sa valeur sera amortie et donc plus le club fera de plus-value. Pour reprendre l’exemple, si un joueur acheté 20M€ avec un contrat de 4 ans est vendu 2 ans plus tard pour 15M€, la Roma ne fait pas une perte de 5M€, mais un bénéfice de 5M€. En effet, comptablement la valeur du joueur aura été amortie de 10M€ (5M€ par année de contrat) et sa valeur au bilan après 2 ans sera donc de 10M€.
Au-delà de la valeur marchande, il convient encore de tenir compte de l’échéance du contrat. En effet, moins il reste d’années de contrat, moins la valeur marchande sera élevée puisque l’échéance du contrat, et donc le statut de joueur libre, se rapproche.
Enfin, en vendant un joueur, la Roma économise également son salaire jusqu’à l’échéance de son contrat. Ainsi, plus un joueur possède un salaire élevé, plus il devient intéressant de vendre un joueur pour faire des économies de salaires importantes.
Récapitulatif de l’effectif
Nous allons donc faire un récapitulatif pour les joueurs principaux de l’équipe de leur salaire annuel net (le salaire n’est pas divulgué dans les états financiers, mais se base sur des fuites publiées dans la presse), de leur valeur comptable au 31 décembre 2019 ainsi que la durée de leur contrat, afin de déterminer là où la Roma ferait les plus grandes plus-values/économies en cas de cessions.
Des salaires trop élevés
Au niveau des salaires, on voit que la Roma a offert ces dernières années des salaires dépassant les 2.5 M€ à de nombreux joueurs, alors qu’il y a quelques années il s’agissait là du seuil maximum, à l’exception des cas Totti et De Rossi. En dehors des joueurs en prêt, qui risquent fort de ne pas être prolongés, la Roma pourrait couper la masse salariale en tentant de vendre les plus gros salaires, comme Dzeko, Pastore, Kolarov, Perotti ou Spinazzola. Toutefois, comme le signale la Roma dans les états financiers semestriels au 31 décembre 2019, la cession de joueurs est conditionnée, outre l’accord entre les deux clubs, à l’acceptation du transfert par le joueur, laquelle décision est hors de contrôle de la Roma. Or, on voit mal ces joueurs accepter des destinations peu alléchantes (comme la Chine) ou qui n’offriraient pas un salaire au moins équivalent. Les joueurs précités étant tous trentenaires ou presque, il sera sûrement difficile de trouver une entente pour leur transfert.
Les éventuels transferts seront également influencés par la date d’échéance du contrat de joueurs. A l’exception des joueurs prêtés, aucun contrat n’arrive à échéance à la fin de cette saison. En revanche, sept contrats arrivent à échéance à la fin de la saison prochaine. Cela signifie donc que, soit la Roma vend ces joueurs cet été, soit elle les perdra sans indemnité. Or, si l’on regarde le profil des joueurs arrivant à échéance en 2021, tous auront dépassé les 30 ans et ils auront ainsi une valeur marchande quasi nulle. Le seul intérêt étant l’économie de salaire, pour autant que les joueurs en question se mettent d’accord avec un nouveau club.
Les joueurs permettant de faire une plus-value
Enfin, en ce qui concerne les plus-values, peu de joueurs sont malheureusement susceptibles de renflouer les caisses du club. Les joueurs qui ont été acquis récemment pour des montants importants ne permettront pas de réaliser une grosse plus-value, à l’image de Schick ou Spinazzola annoncés sur le départ, mais dont la valeur comptable respective est de 24.592 M€ et 27.492 M€. Les joueurs formés au club, ou presque, comme Florenzi, Pellegrini, Antonucci ou Riccardi peuvent eux permettre une belle plus-value. Parmi ces trois joueurs, il semble que seul Pellegrini soit intouchable, s’il existe encore des joueurs intouchables. Finalement, les deux joueurs les plus côtés et « bancable » sont Under ( 9.288 M€) et Zaniolo (4.813 M€). Il faudra voir si la Roma résistera à la pression financière pour ne pas se séparer des éléments avec le plus de potentiel.
Après avoir raté la dernière marche à cause de la gestion désastreuse du dernier Directeur Sportif, Monchi, la Roma est en reconstruction et il a déjà été dit plusieurs fois qu’il s’agissait de l’an zéro. En réalité, nous sommes plutôt en l’an moins un ou deux, car la reconstruction ne pourra véritablement commencer qu’à la fin de la saison 2021 lorsque les nombreux joueurs à échéance seront partis et remplacés.
Cet article a été rédigé par – SPQR –