Al Qaddumi et le délit d’initié contre l’AS Roma.
En 2013, alors que James Pallotta n’est président de l’AS Roma que depuis quelques mois, le nom d’un potentiel investisseur apparait timidement dans la presse. Voici l’histoire d’AL QADDUMI, « riche héritier palestinien ».
Nous sommes en février 2013. James Pallotta vient de succéder à Thomas Di Benedetto en tant que président de l’AS Roma et a la lourde tâche de redresser le club, tant financièrement que sportivement. Car, en effet, le club doit redresser l’état catastrophique des finances hérité de la précédente direction, mais doit également faire face à des résultats sportifs décevants: après avoir enchainé cinq matchs sans victoire (3 défaites, ndlr), l’entraineur Zdenek Zeman est remercié (4 défaites, 3 nuls et 3 victoires les dix derniers matchs, ndlr). C’est alors qu’apparait discrètement le nom d’Al Qaddumi …
L’arrivée d’un potentiel nouvel investisseur
Dès le 21 février 2013, tandis que Francesco Totti vient encore de démontrer l’étendu de son talent (il signe son 224e but de Serie A Tim avec une patate de forain mesurée à 113km/heures contre la Juventus, ndlr), la Gazzetta Dello Sport rapporte qu’un mystérieux investisseur souhaiterait entrer dans le capital social de l’AS Roma. Son nom complet est Adel Aref Qaddumi Al Shetvi, surnommé « AL QADDUMI ». Né en 1959, et marié à une femme italienne, il se présente comme un riche héritier Palestinien qui réside en Italie depuis ses 25 ans. Son héritage familial aurait été bloqué plusieurs années suite à différents conflits et autres problèmes bureaucratiques, et n’aurait été débloqué l’année précédente. Il se présente également comme un romanista convaincu, s’affichant même avec le survêtement de la saison. Skysport annonce qu’Al Qaddumi a déjà rencontré plusieurs fois les dirigeants, était présent lors du match contre la Juventus, et serait près à acquérir jusqu’à 50% des parts du club.
Cette information, couplée à une annonce officielle des proches, met le feu aux poudres : la bourse et les actions du club grimpent de +18% en très peu de temps. Trop peu de temps. La volatilité excessive de l’action de l’AS Roma oblige la bourse à suspendre ses actions et le Parquet financier ouvre une enquête, suspectant des spéculations boursières voire un délit d’initié. Par ailleurs, AL QADDUMI est souvent vu chez un avocat fiscaliste, sans qu’aucune raison ne soit donnée.
Le 22 février 2013, les mauvaises rumeurs cumulées à la hausse surprise des actions du club, obligent Al Qaddumi à sortir de sa réserve afin de rassurer tout le monte. Il accorde ainsi sa première interview en compagnie de Michele Padovano, ex joueur: « J’ai un lien spécial avec la Roma. Nous sommes encore dans une phase de négociation. Ce sont des journées particulièrement intenses, je suis un peu fatigué… J’aime beaucoup l’équipe et ma passion pour le football et la Roma (…)« .
La machine négociation est donc bel et bien mise en route puisque, dans la foulée, l’AS Roma publie un communiqué officiel qui confirme des tractations entre le club et AL QADDUMI. Il ressort de ce communiqué que les choses sont même en bonne voie: si la paiement de la somme est fait avant le 14 mars 2013, l’opération est bouclée!
Du côté des tifosi de l’AS Roma c’est l’emballement car il est nécessaire de rappeler que le club a frôlé la faillite quelques années auparavant, au point que les dirigeants durent discuter avec la Banque UNICREDIT pour prendre des décisions. De même, cela fait plusieurs années que l’AS Roma peine à avoir des résultats sportifs et ses mercati sont toujours faits avec peu de moyens. Vu ces circonstances, un nouvel investisseur, qui plus est milliardaire, n’est pas de refus. Et ce, d’autant plus que quelques années auparavant, le PSG venait également d’être racheté par un groupe d’une telle importance. Le vent est en train de tourner?
Après le potentiel investisseur, le fraudeur
14 mars 2013, jour de l’échéance. Rien ne se passe… L’AS Roma n’a d’autres choix que de publier un communiqué officiel par lequel elle ne peut que constater que le paiement n’est jamais arrivé. Les négociations sont interrompues aussitôt.
Personne n’est à ce moment en mesure de comprendre ce qu’il se passe. La presse n’aide évidemment pas. Car, le 15 mars 2013, le média Centro Suono Sport publie une interview obtenue d’Al Qaddumi. Ce dernier se veut même rassuant:
« J’ai l’argent, j’ai un fonds arabe, dont je ne dirai pas le nom, derrière moi. Vous pensez vraiment que les Américains soient assez stupides pour passer un accord préalable avec un mec qui n’a pas d’argent ? (…) J’espérais que l’accord préliminaire se déroulerait en secret, travaillant sous couverture pour ensuite arriver lors du derby d’avril, lorsque Pallotta reviendrait à Rome, pour tenir une conférence de presse et annoncer l’accord à tout le monde (…) Pallotta et moi aurons les mêmes compétences. il serait président car il aime le faire, mais moi je serai le président sur le terrain »
Et pourtant, et pourtant… Le parquet financier continue son enquête et avance à grand pas. Le 15 mars 2013, il est annoncé que AL QADDUMI est désormais considéré comme suspect dans le cadre d’un délit d’initié. Le ballon de baudruche se dégonfle.
La commission de contrôle de la bourse s’en mêle également et, le 11 août 2013, la presse rapporte que ce « potentiel investisseur » écope d’une amende de 50.000,00 EUR, en violation décret législatif no. 58/1998 (législation boursière).
Après cette annonce, les informations se font de plus en plus rares, voire inexistantes. La seule certitude est qu’au-delà du 14 mars 2013, plus aucune discussion n’a eu lieu entre les parties.
Giuseppe VEGAS, président du groupe de contrôle de la bourse avait d’ailleurs déclaré:
« Parfois, il y a quelqu’un qui prétend avoir des richesses au Moyen-Orient pour acheter telle ou telle entreprise et, même quand le bon sens nous pousse comprendre beaucoup de choses, nous sommes obligés d’intervenir aussi pour protéger ceux qui pourraient se tromper »
Le 24 décembre 2015, AL QADDUMI décède dans l’indifférence totale alors qu’il faisait toujours l’objet d’une enquête.
Si l’on ne connaitra jamais sa véritable identité, l’on sait en revanche ce qu’il n’était pas: un riche héritier. Pire, les doutes sont allés jusqu’à sa nationalité! Certains médias comme Centro Suono Sport relataient qu’il n’était même pas Palestinien, mais Péruvien…
Ainsi s’achève la Saga d’un fraudeur qui a tenté de duper tout le monde, y compris l’AS Roma.