Nouvelle crise interne à la Roma – Gianluca Petrachi : « rebelle solitaire ou victime d’un système » ?

A la stupéfaction générale ou presque, le 18 juin dernier, la Roma annonçaient officiellement la suspension de son Directeur sportif (DS). Gianluca Petrachi se voit ainsi relevé de toutes ses fonctions qui sont, pour l’heure, reprises par l’Administrateur délégué du club, Guido Fienga. A moins d’une semaine de la reprise du championnat, comment en est-on arrivé à mettre de côté un des éléments moteur de l’énième « refondation » débutée il y a tout juste une année ? Une nouvelle crise interne révélatrice d’un mal récurrent beaucoup plus profond et inquiétant au sein de l’Associazione Sportiva Roma…

Après trois mois de confinement, coup de tonnerre dans le ciel de Trigoria que l’on pensait pourtant serein jusqu’à il y a peu, surtout après avoir donnée une forte image de cohésion, l’AS Roma ayant eu à cœur d’apporter sa contribution pour faire face à la crise sanitaire au travers de toutes sortes d’initiatives. Force est de constater qu’il n’en est rien, du moins au niveau de la direction du club où les tensions semblent s’être exacerber en coulisses au point de plonger le club dans une nouvelle crise et ce à quelques jours de la reprise.

Selon le communiqué officiel et les déclarations de Guido Fienga, la suspension de Gianluca Petrachi est due à un manque de suivi de la ligne tracée par le club. Sur la base de cette information, il n’est pas inutile de s’arrêter sur les principales fonctions d’un DS. Un rôle qui consiste avant tout à dénicher, recruter et vendre des joueurs en fonction d’un budget donné en accord (du moins en théorie) avec les besoins et les souhaits de l’entraîneur. A cela s’ajoute le rôle de « porte-paroles » du club à l’occasion de la présentation des nouvelles recrues ainsi que pour tout ce qui touche à la stratégie du mercato. En conséquence, le Directeur sportif est, avec l’entraîneur, celui qui connait le mieux la valeur et le potentiel des joueurs. Dans ces conditions, sur la base de son expérience, quoi de plus normal de voir un DS donner des coups d’aiguillon en indiquant que certains joueurs sont loin de donner le meilleur d’eux-mêmes ? Ne serait-ce d’ailleurs pas l’inverse qui pourrait lui être reprocher s’il ne le faisait pas ? De tels propos ont avant tout pour objectifs de signaler les carences tout en stimulant l’équipe en mettant chacun devant ses responsabilités et sa conscience professionnelle, mais dans aucun cas celui de critiquer le travail du coach et encore moins de créer la polémique ou de manquer de respect à qui que ce soit.

Environnement explosif…

Naturellement, dans un environnement comme celui de la Roma où la moindre critique est perçue comme une traîtrise à la cause et où la culture du moindre effort est reine, le tout exacerbé par une presse qui n’a plus rien de sportive, difficile de faire comprendre que de telles remarques sont avant tout des critiques constructives. Ajoutons à cela un fond de lutte de pouvoir permanente où chacun cherche à accroître son rayon d’influence pour son propre intérêt (cela d’autant plus en l’absence de l’autorité suprême de la société) et une situation financière toujours moins reluisante, nous voilà avec un cocktail des plus explosifs dont nous connaissons que trop bien les répercussions sur les performances du club depuis de nombreuses années…

Baldissoni fienga
Guido Fienga et Mauro Baldissoni

Certes, Petrachi a certainement manqué de tact dans sa façon d’exprimer les choses en cherchant à produire une prise de conscience. Mais dans un contexte de rivalités internes, ne serait-ce pas plutôt sa croissante notoriété auprès des tifosi, sa visibilité et son intégrité qui ont fait de lui personnage devenu trop encombrant, sans parler de la presse « sportive » plutôt hostile, celle-ci étant plus habituée aux petits arrangements « entre amis » auxquels Petrachi n’a jamais voulu souscrire ? Autant d’éléments qui ont certainement fait de lui l’homme « à abattre », car difficile de lui reprocher quelque chose sur son travail (surtout avec les moyens, notamment financiers, qui lui ont été donnés et la complexe tâche de « réparer » les lourdes bévues d’un certain Sévillan…) même si, comme dans tous les domaines, il est toujours possible de faire mieux.

Au-delà des personnes, cette nouvelle crise démontre les tensions et le manque criard de communication qui règnent entre les principaux représentants du club, la volonté d’avoir non pas des gagnants mais « des moutons » qui suivent la ligne édictée sans broncher et surtout (cela en est d’ailleurs le plus dramatique pour une société footballistique) que l’aspect sportif n’est en rien une priorité. Sinon comment expliquer l’explosion d’une telle crise en public à quelques jours seulement de la reprise de la compétition, c’est-à-dire à un moment où l’équipe a surtout un grand besoin de sérénité pour faire face à la difficile fin de saison qui l’attend ?

Les hommes changent, pas les résultats…

Il serait naturellement possible de considérer ce nouvel épisode comme une banale rupture de confiance entre un employé et la société qui l’emploie comme il en arrive tous les jours dans le monde du travail, sauf qu’au sein de « la Roma version américanisée », Gianluca Petrachi n’est rien de moins que le quatrième Directeur sportif à quitter le club en 3 ans ! Il pourrait également s’agir d’un problème de compétences, mais comme indiqué précédemment ce n’est clairement pas le cas, cela d’autant plus qu’à Trigoria les hommes passent, mais les « résultats » quant à eux restent les mêmes…

Par conséquent, Petrachi est-il vraiment coupable de s’être « rebellé » contre un système qui, depuis 9 ans, ne fait que produire toujours plus de frustrations provoquant le départ (volontaire ou non) de l’ensemble de ses meilleurs composants, cela aussi bien au niveau des joueurs, du staff que de la direction ? En prenant un peu de hauteur, posons-nous la question des départs de personnages tels que Sabatini, Spalletti ou encore Ranieri, sans parler de Totti, qui sont autant de professionnels et d’amoureux de la Louve. Pourquoi un tel exode de compétences ? La réponse ne serait-elle pas justement dans le mélange des genres, la soif de pouvoir de certains « pseudo » dirigeants à Trigoria et sur les rives de la Tamise aussi débordante que nocive pour le club, le tout facilité par l’absence physique d’un Président somme toute peu au fait du fonctionnement et des subtilités du monde impitoyable du ballon rond ? 

James Pallotta

Vers un avenir sombre…

Cette énième « convulsion », qui nous pouvons en être certains ne sera malheureusement pas la dernière, met en lumière une gestion de club de moins en moins professionnelle où ambitions et egos semblent régner en maîtres. Comme l’avait indiqué un certain Francesco Totti dans sa dernière conférence de presse, si chacun restait à sa place et pensait au bien de la Roma, les choses seraient beaucoup plus faciles pour tout le monde et les résultats très probablement différents à tous les niveaux… James Pallotta, bien que certainement mal entouré et mal conseillé, a naturellement une grande part de responsabilité dans la situation dans laquelle se trouve le club actuellement, surtout après 9 ans de présidence qui sont autant d’année de constantes révolutions, de polémiques et surtout de disettes sportives.

Petrachi
Gianluca Petrachi

Donc oui, Petrachi est un rebelle aux méthodes et aux caractère particuliers qui avait certainement la volonté de faire progresser sportivement le club. Et oui, Petrachi est une nouvelle victime d’un venimeux système basé sur la culture de l’ego et de la « Dolce Vita » dont les effets ont déjà eu raison de nombreux « braves parmi les braves » avant lui…

La « crise Petrachi », qu’il ne faudrait pas commettre l’erreur de réduire à un différend entre hommes, est donc surtout significative d’une gestion de club pour le moins hasardeuse où l’aspect sportif n’est de loin pas une priorité. Un constat qui, pour tous les amoureux de la Roma, déjà marqués par plus d’une décennie de traversée du désert, présage d’un avenir immédiat des plus sombres, le système en place ne pouvant être (apparemment) démantelé que si « Boston » passe la main…

Allo Houston, on a un problème…


101% Romanista

🖊Rédacteur et historien 📜 🐺 Romanista depuis plus de 3 décennies ❤️💛 🎙 Chroniqueur passionné sur Roma Locuta

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