La Roma et les équipementiers / Ep. 2 : D’Adidas à Adidas (1977-1994)
Après un demi-siècle d’existence et (presque) autant d’années à porter des maillots de cotons issus de fabriques locales (voir épisode 1 – Des origines aux premiers fournisseurs officiels), la fin des années 1970 marque l’entrée dans une nouvelle ère pour le maillot giallorosso. La « maglia » de la Roma va, dès lors, rapidement se transformer en une véritable « vitrine » pour le club (écusson), les équipementiers (marques) et les sponsors (produits), mais surtout devenir un authentique « objet de culte » pour les tifosi…
Changement de paradigme
Entre 1927 (date de sa fondation) et 1977, la Louve, comme la quasi-totalité des équipes de football, a la charge de fournir l’équipement « technique » qui, pendant des décennies, se résume à deux jeux de maillots, de shorts et de chaussette auxquels pouvait également s’ajouter un training aux couleurs du club. Les chaussures étaient quant à elle bien souvent du ressort de leur propriétaire…
Entre l’été 1977 et le début des années 1980 s’opère une véritable « révolution » en trois temps qui, en quelques années à peine, va projeter la Roma dans l’ère moderne du maillot de football ; celle de sa valorisation et (surtout) de sa marchandisation…
Adidas le précurseur
Au terme de la saison 1976-77, après avoir testé des maillots formés d’un tissu « novateur » à la fois léger et perforé (pour les périodes chaudes) produit par la maison anglaise « Umbro », la Roma signe son premier véritable contrat avec l‘équipementier « Adidas ».
Cette signature n’implique pas uniquement une collaboration avec la maison allemande (fondée en 1924 par les frères Adolf et Rudolf Dassler, avant que ce dernier prenne son indépendance en 1948 pour fonder « Puma »…), mais également (et peut-être surtout) un changement radical au niveau de l’obtention des maillots. Jusqu’alors responsable de fournir l’habillement sportif de ses joueurs, celui-ci sera désormais « offert » par le « sponsor technique » qui, outre les équipements, paiera pour apposer son logo sur le maillot de l’équipe ! La « maglia » passe ainsi du statut de « charge » à celui d’une « manne » financière qui ne va cesser de s’accroître au fil des ans…
A l’époque, avec son rival anglais Umbro, Adidas est une société qui (bien qu’ayant débuté par la fabrication de chaussures de sport comme bon nombre de ses concurrents, notamment New Balance…), constitue une des principales références dans le football (notamment depuis qu’elle a commencé à fournir l’équipe nationale d’Allemagne à l’occasion du Mondial 1954). En signant avec la compagnie allemande au cours de l’été 1977, la Louve ne s’adjuge rien de moins que les meilleurs équipements du moment. Ce premier contrat est à la fois un « test » et un « win-win ». Il prévoit qu’Adidas, en quête de nouveaux marchés, fournisse les vêtements sans aucun aspect financier complémentaire jusqu’au terme de l’année civile 1978. Néanmoins, le premier maillot Adidas porté par la Roma ne fut pas spécialement réalisé pour elle, mais simplement choisi dans le catalogue de la firme allemande…
Preuve de la grande « porosité » de ce type de contrat, principalement en raison de son aspect très novateur, après que la saison 1977-78 fut entièrement disputée en portant les célèbres « 3 bandes », dès le début de l’édition suivante, la Roma revient à « ses premières habitudes ». Lors de chaque rencontre, en fonction de la météo, elle alterne les maillots conçus par Adidas, ceux reçus de la part d’Umbro et même ceux acquis auprès de la firme romaine Chiappini encore présents dans les stocks du club…
Un écusson permanent
La saison 1978-79 marque pour sa part une nouvelle évolution pour le maillot giallorosso ; celle du retour, désormais définitif, du l’écusson du club sur le torse de la maglia. Une initiative qui doit beaucoup à l’arrivée d’un certain Dino Viola (1915-1991) à la tête du club qui, après une tournée américaine, réalise l’importance du merchandising.
Le nouveau Président giallorosso confie alors au célèbre graphiste milanais Piero Gratton (1939-2020) la tâche de développer un graphisme propre à la Louve permettant de commercialiser la « marque Roma » qui sera la première à être officiellement déposée dans le football italien. Apparaît ainsi pour la première fois le célèbre « Lupetto » stylisé…
Les années des « petits » équipementiers
A la mi-saison 1978-79, la Roma décide de ne pas continuer l’aventure avec Adidas malgré un contrat qui prévoyait une prolongation jusqu’au terme de la saison. Cette rupture marque le début de l’époque des « petits équipementiers », souvent méconnus, auxquels le partenariat avec la Roma va conférer leurs plus belles heures de gloire, principalement en termes de visibilité. Cette ère des petits équipementiers va se diviser en trois étapes entre janvier 1979 et janvier 1983.
Pouchain
En janvier 1979, la Roma s’associe à la petite fabrique de vêtements sportifs de la région italienne des Abruzzes baptisée « Pouchain ». La rupture de contrat avec Adidas contraint la Roma à devoir débourser 40 millions de lire (environs 20’000 euros) de dommage et intérêts à l’entreprise allemande. La Louve réalise néanmoins une bonne affaire financière, la société Pouchain s’étant engager à verser 180 millions de lire (environs 90’000 euros) par année au club romain.
Au-delà du fait qu’il s’agit du premier contrat de la Roma avec un équipementier italien, le partenariat avec la société Pouchain restera dans les mémoires avant tout pour la conception du célèbre maillot « ghiacciolo » (glace à l’eau) et son dégradé rouge-orange-jaune. Inspirée des maillots de football américain, son design totalement novateur pour l’époque ainsi que son esthétisme très particulier diviseront aussi bien les dirigeants, les joueurs que les supporters… Ce design sera repris par Nike pour la conception des maillots de la saison 2020-21.
PlayGround « la Romaine »
Après la fabrique des Abruzzes, au terme de la saison 1979-80, la Louve place sa confiance dans la petite entreprise romaine spécialisée dans l’habillement sportif appelée « Playground ». Cette petite firme locale aura la particularité d’intégrer les joueurs dans la conception des designs des maillots, dès lors réalisés en colon et/ou en acrylique.
Au-delà du partenariat avec « Playground », lors de la saison 1980-81, le maillot giallorosso est le théâtre d’une troisième révolution ! Au mépris de tous les règlements alors en vigueur dans le football national, la fabrique de pâte « Ponte » (implantée en Ombrie) est la première société à inscrire sa marque sur un maillot de football d’un club italien, celui du AC Perugia Calcio. Au mois de décembre 1980, l’entreprise organise le « tournoi Ponte » durant lequel elle appose son nom sur le maillot de toutes les équipes participantes parmi lesquelles se trouve la Roma. Ponte devient ainsi, le temps du tournoi, le premier sponsor commercial à figurer sur le maillot giallorosso !
Le premier véritable sponsor « annuel », qui reste également le plus connu, apparaîtra sur les maillots Playground dès le début de la saison 1981-82 ; « Barilla ». Cette célèbre marque de pâtes fera partie intégrante du maillot giallorosso pendant 13 saisons et constitue, aujourd’hui encore, le sponsor le plus « fidèle » de l’histoire de la Louve. Notons que lors de cette même saison le règlement de l’UEFA n’autorisait pas encore que les clubs fassent apparaître des sponsors sur leur maillot en coupe d’Europe. La Roma, qui jouait alors la Coupe des Coupes, fut ainsi contrainte de demander à Playground de créer un maillot spécifique pour les matchs européens.
Patrick « la franco-belge »
Le troisième « petit équipementier » à fournir les Giallorossi est l’entreprise séculaire franco-belge « Patrick », fondée en 1892 à Oudenaarde dans la région de Flandre-Orientale en Belgique (toujours existante au sein du groupe belge Cortina).
Les maillots signés Patrick deviendront célèbres dans le cœur des tifosi giallorossi non pas pour leur qualité ou leur design, mais par le fait que ce sont ceux du second Scudetto de la Roma, acquis lors de la saison 1982-83.
Les premières saisons Kappa
A la mi-saison 1983-84, soit celle durant laquelle la Roma porte le Scudetto tricolore du champion en titre, la collaboration avec Patrick s’achève au profit de la marque italienne « Robe di Kappa Sport ». Implantée à Turin dans le Piémont, Kappa reprend ainsi le flambeau avec diverses innovations techniques, à l’instar de la création de maillots en coton et en nylon ou de l’insertion de numéros à l’aspect « tridimensionnel ». La marque turinoise est celle qui fournira les maillots (là encore sans sponsor) de Louve lors de la malheureusement finale de Coupe des Champions 1984 face aux anglais du FC Liverpool. Ce premier partenariat avec la maison turinoise perdurera jusqu’au terme de la saison 1985-86.
A l’heure actuelle, Kappa constitue l’équipementier le plus porté de l’histoire de la Roma puisqu’il fournira les maillots de la Louve durant onze saisons et demie divisées en trois périodes distinctes : de janvier 1984 à juin 1986, de juillet 2000 à juin 2003 et de juillet 2007 à juin 2013.
Ennerre, la marque aux deux lettres
Fondée dans les années 1970 à Pescara, la marque « Ennerre », plus connue sous son sigle « NR », va connaître son âge d’or entre le milieu des années 1980 et des années 1990 en fournissant la quasi-totalité des équipes de Serie A.
La Roma lie son destin avec NR de l’été 1986 à la fin de la saison 1990-91 (au cours de laquelle elle la Louve remporte la Coupe d’Italie et atteint la finale de la Coupe UEFA). La marque italienne est ainsi l’équipementier à avoir fourni le maillot giallorosso durant le plus grand nombre de saisons d’affilées.
Au niveau du développement du merchandising, il est intéressant de noter que les maillots NR de la Roma réalisés pour la saison 1988-89 furent les premiers à être vendus au grand public dans une version en tous points similaires à ceux portés par les joueurs durant les rencontres de Serie A. Ils furent alors commercialisés au prix de 60’000 lires (30 euros). Au cours de la saison suivante, le prix est fixé à 65’000 lires (environ 33 euros).
Ennerre fut également le premier équipementier à proposer la vente du maillot de gardien et du maillot d’entraînement (de couleur verte à l’époque) dans son catalogue au prix de 49’000 lires (environ 25 euros).
Retour vers le futur
A partir de l’été 1991, en raison du décès de Dino Viola quelques mois plus tôt, la Roma entre dans une période de profonds changements mais surtout de fortes turbulences au niveau de sa gestion. Pour la question du « sponsor technique », le club revient à son premier équipementier historique ; Adidas.
Cette nouvelle collaboration, qui durera jusqu’en juin 1994, sera l’occasion pour le fournisseur allemand de réaliser plusieurs maillots, dont certains vont rester célèbres dans la mémoire des Romanisti, à commencer par le splendide maillot bleu foncé réalisé dans l’urgence pour le quart de final retour de la Coupe des Coupes 1991-92 face à l’AS Monaco.
Notons encore qu’au début de la saison 1992-93, Adidas réalisa involontairement des maillots « collector » en appliquant de manière erronée le Lupetto dans le mauvais sens (regard vers la droite alors qu’il doit normalement « regarder » vers la gauche – voir image de la Roma 1992-93 en titre).
A découvrir prochainement – La Roma et les équipementiers / Episode n°3 – « D’Asics au duo Diadora-Kappa (1994-2013) »
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